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  • Photo du rédacteurJaeger & Compâgnie

Rigole d'Hilvern et Canal. 2. La rigole d'Hilvern

Nous passerons un peu plus de deux jours à longer cette rigole.

Dimanche matin, le temps s'est un peu calmé. Le temps de me préparer, Ballotine mange le foin que j'avais gardé à l'abri. Jaeger est joyeux, il a dormi autant que moi (peu), réagissant à chacun de mes coups d'oeil dehors toute la nuit. Je suis en train de bâter Titine quand des jeunes femmes, faisant leur footing hebdomadaire, s'arrêtent pour discuter.Elles s'intéressent, posent des questions puis elles regardent mon ânesse et commencent à me faire la liste de toutes les fermes des environs pour que je la nourrisse. C'est très gentil mais... On est en octobre, il y a de l'herbe et diverses choses encore en quantité, elle ne pourra pas de faim. Et si vrai problème... Je ne suis pas encore très loin de la maison, il y aura bien quelqu'un pour venir à notre secours.

Le départ est très agréable. La rigole, les arbres, les feuilles d'automne... J'ai un doute au tout début : un pont en bois, recouvert de feuilles, le ruisseau en dessous qui fait le bruit des chutes du Niagara, et évidemment le tout bien humide (trempé). Souvenez vous de la règle des 3 premiers jours avec Ballotine... En ajoutant la nuit qu'elle a passée, je lui chante notre chanson en faisant mine de rien quand on s'en approche ! On a beau s'attendre à tout, elle m'épatera encore en ayant l'air de ne même pas voir ce pont ! On a fait 200 mètres et on croise un monsieur qui promène son chien. Un jeune setter, qu'il peine à rattraper et attacher avant qu'on se mette d'accord pour laisser les poilus jouer ensemble. La grosse rigolade entre Jaeger et le loulou. Mon chien, ce nounours : un autre chien ? Ok, copaiiiiiiiiiiiin !

On croisera plusieurs personnes ce dimanche. Et je me fais la réflexion que selon la période de l'année et la météo, les rencontres changent du tout au tout. L'été, les gens ont "leur promenade" à faire, "leur rando" à accomplir, "leur défi sportif" à accomplir, "leur programme" à respecter. Ils sont stressés, souvent pressés, ne pensent qu'au temps dont ils disposent, les souvenirs qu'ils vont pouvoir montrer, leur détente personnelle et égoïste. J'aime quand même marcher en été : déjà parce qu'il fait beau (en général), que j'ai plus de temps, mais aussi car heureusement il y a énormément de jolies rencontres, de personnes que l'on ne croiserait jamais autrement.

Cependant en automne, comme maintenant, ou "hors saison" ou hors journées ensoleillées d'hiver, les rencontres sont généralement plus authentiques. Les gens sont détendus, aussi calmes que le temps qui semble s'arrêter en hiver, plus amoureux de la nature (quel intérêt de se promener un jour de pluie si on n'aime pas ça ?). Les rencontres seront cette semaine beaucoup plus zen (hormis 2 rares exceptions).

Les paysages alternent le long de cette journée. D'abord arborée, entourée de friches, puis passant au travers de champs cultivés sans même de bordure hormis le chemin, la rigole offre des moments assez intenses. Surtout au milieu des champs en plein vent sous les averses (je plaisante à peine ;) ) En milieu de journée, on tombe sur un parc, avec tables, terrains propres, au calme. On a traversé une petite ville et longé une route sans vraiment le remarquer. Vraiment bien aménagé sur cette portion ! Dommage qu'il soit vraiment tôt, ça aurait été parfait pour la nuit. On fait juste une bonne pause pour que Ballotine mange, et que moi je grignote un peu.


Dans l'après midi, on discute avec plusieurs groupes de personnes faisant leur balade dominicale. Très sympathiques rencontres, des jeunes, des vieux, des entre deux. La palme du jour (et oui, vous croyiez que je n'allais pas vous parler des rares boulets sous prétexte qu'en général, les gens sont chouettes à cette saison ?) revient à ces "apparemment fans de Johnny" (je n'ai rien contre hein, mais c'est pour que vous imaginiez bien) , deux hommes accompagnés de deux jeunes filles (leurs filles je suppose) dont un s'écrie : "oh r'garde les oreilles que tu vas avoir si tu travailles pas à l'école !!!" (coup de coude à la gamine, rire gras et hihan retentissant). Comme il dit (Johnny, il faut suivre), "si on n'avait pas perdu un quart d'heure ça ferait un quart d'heure qu'on serait arrivés" : magnifique citation pour exprimer mon regret d'avoir fait une bonne pause ce midi qui, si elle avait été écourtée de quelques minutes, nous aurait évité cette rencontre.


En fin d'après midi, je commence à chercher un endroit où s'arrêter pour la nuit. Les côtés ne sont pas larges, et quand ils le sont, ils sont sur l'autre rive. Et la majorité des ponts est détruite. Pas facile pour traverser ! Ce qui m'étonne, c'est que la rigole est totalement vide par endroits. Rien, pas une goutte d'eau. Il faudra que je me renseigne. Ne sachant pas ce qui m'attend, je propose un seau d'eau à Ballotine et Jaeger à chaque fois que la rigole n'est pas vide. Je fais bien car lorsque je trouve enfin un endroit assez large et herbeux pour nous installer, pas une seule goutte d'eau pour les abreuver. C'est quand même un comble, avec la quantité d'eau qui nous tombe dessus ! Je me pose comme à mon habitude un petit peu, écoutant les bruits, observant la vie autour, avant de monter la tente. Je me rends compte que la haie derrière nous est à la limite de jardins particuliers. On va être discrets, pas la peine d'inquiéter les gens avec une vagabonde près de chez eux !


Pour cette rando, j'ai choisi de ne pas emmener le parc pour Ballotine. Avec un seul, j'ai toujours peur que la solitude le pousse à sortir du parc pour retrouver des congénères. Je me rendrai compte dans quelques jours qu'avec elle, je n'ai pas de souci à me faire, et qu'elle aurait été bien aussi dans un parc. Enfin... Elle n'a rien contre. L'attache, elle connaît, elle gère ça très bien, je crois que c'est surtout moi qui me torture l'esprit. Comme elle ne peut pas être attachée au piquet là où on se trouve (pas assez large), je la déplacerai plusieurs fois dans la soirée. La pluie s'est un peu calmée, elle mange bien. On a bien marché aujourd'hui malgré la nuit précédente et la météo de la journée. On est tous les 3 calmes et tranquilles pendant cette soirée. La nuit tombe de bonne heure, heureusement que j'ai emmené un bon livre. Un peu de pluie et pas de vent, une vraie nuit de repos.


Le lundi matin, c'est encore sous la pluie que nous nous réveillons. Elle se calme pile quand je me mets à ranger les sacoches. Ballotine a passé une bonne nuit, elle est de bonne humeur, elle se met à fouiller dans les sacs. Jaeger meurt d'envie de la pousser le pauvre ! Son passé de chien de troupeau le rattrape parfois, surtout quand je rouspète : attends môman, je vais t'aider !

On a à peine le temps de traverser qu'on tombe sur une dame qui se promène. On se met à discuter, discuter... Un moment un peu hors du temps, un échange cohérent avec ce que je vis quand je pars comme ça : ce bénéfice des périodes avec le minimum matériel, les réflexions que ça apporte, le fait de ce recentrer sur les vraies choses de la vie, sur ce qui compte. Ça serait trop long et assez compliqué de réécrire cette conversation. C'était assez inhabituel, une parenthèse telle que j'ai eu l'impression de l'imaginer. En la quittant, je me tourne vers Ballotine broutant au pied d'un arbre et je vois ce qui est gravé sur cet arbre. Le prénom de mon grand garçon. Hasard, coïncidence, cet arbre à cet endroit avec cet échange... Les choses qui comptent.

J'ai repéré un étang non loin de la rigole. Ça serait pas mal pour ce soir. Juste un petit détour mais j'ai un doute sur le sentier qui le rejoint. Sur carte, je suis incapable de deviner si le chemin tracé est privé ou non. Et si on ne peut pas passer, ça sera beaucoup trop long de contourner pour le rejoindre par la route, à l'opposé. On verra bien, au pire on fera demi tour, ça ne sera pas la première fois.


On marche toute la matinée et on arrive à la petite route qui mène au chemin. Bon, il est tôt, j'hésite : si le chemin est praticable, on va s'arrêter vraiment tôt aujourd'hui. Mais s'il ne l'est pas, ça nous laisse de la marge pour trouver autre chose. Aller, on y va ! On s'est fait rincer toute la matinée encore, alors ma louloute commence à avoir ses humeurs. La petite route longe une propriété avec chevaux, bâtiments et tout le nécessaire. C'est joli, des enfants jouent dehors (j'adore, comme les miens, qu'il pleuve ou qu'il vente, ils sortent), j'essaie de me faire discrète. Sous la pluie avec ma veste dégoulinant, ma capuche, mon chien trempé et mon ânesse chargée et bâchée, je n'ai pas envie de leur faire peur ! Je trouve le petit chemin grâce à ma carte, c'est en fait un passage entre des prés où vivent des chevaux. Ils sont assez intrigués par notre allure, ils courent, sautent, partent en coups de cul, s'arrêtent, repartent.


L'étang est petit mais très joli. Il est aménagé pour les pêcheurs et pour les balades en famille. Je peine à trouver un endroit surélevé avec assez d'herbe, mais une fois repéré, je nous installe ailleurs en attendant le soir pour que Ballotine ne mange pas tout son crédit de la nuit. Je la déplacerai plusieurs fois. L'après-midi passe rapidement, la nuit tombe vite. Une fois tout installé, curieusement la tempête reprend. Ça aurait été dommage de s'en passer... Et ce soir, j'ai été totalement idiote : j'ai monté la tente sous des arbres dont la moitié est morte. J'espère ne pas en prendre un sur la tête en pleine nuit... Au moins, il y en a une qui est bien logée, en sécurité, avec de l'herbe jusqu'aux genoux. Je passe la soirée à observer les carpes qui sautent dans l'étang, les hérons et autres bêtes à plumes, les phares de voiture louches aperçus à travers les buissons, le chien énorme qui court seul de l'autre côté de l'étang, et quelques bestioles non identifiables avec certitude (rats ou ragondins ? dans le noir et sous la pluie, mystère).

Le mardi, cela sera notre dernier jour au bord de la rigole. On aura bien avancé quand même ! Surtout en s'arrêtant une demi journée hier. On marche toute la matinée, une traversée de commune nous fait rencontrer un chien non attaché et non gérable par sa propriétaire, qui se jette littéralement vers nous en aboyant. Je l'avais vu de loin j'ai rattaché Jaeger depuis longtemps... Mais certaines personnes sont incapables d'anticiper quoi que ce soit. Je ne sais pas si c'est grâce à mes précédents chiens, notamment Azana (ma beauceronne) qui était super avec les autres chiens en promenade libre et au contraire un démon dès qu'elle était en laisse, mais en extérieur j'ai toujours les yeux partout, j'anticipe tout (ce qui est humainement possible). Je déteste être surprise par un chien au détour d'un chemin, tomber sur une route alors que mon chien court joyeusement, ou tout simplement croiser des gens phobiques des chiens en ayant le mien qui galope allègrement. C'est de la prudence et du respect. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles je n'avais pas emmené de chien sur le chemin de Stevenson l'été dernier. Vu la fréquentation, je n'avais pas envie que mon chien passe 2 semaines en laisse... C'est encore plus épuisant pour eux. Et nerveusement fatigant pour nous les humains. Enfin, pour l'été dernier, je n'y ai rien gagné car je me suis retrouvée pendant 15 jours à tout anticiper pour le chien de quelqu'un d'autre. Finalement, c'est pire quand ce n'est pas pour notre propre chien.


Bref, j'attends patiemment que la demoiselle récupère son chien, en espérant qu'il va se contenter d'aboyer. Parce que ce n'est pas Jaeger qui va se battre. À la limite, peut-être que Ballotine lui donnera un petit coup s'il est trop envahissant. Même pas sûr. Autant sur son territoire elle se transforme en bête sauvage et sanguinaire si un canidé s'y aventure, autant en rando ils peuvent lui slalomer entre les pieds elle attend gentiment que le parasite s'éloigne. Évidemment, pas un mot d'excuse de la part de la nana, à priori elle habite ici (au bord de la rigole) donc elle a tous les droits elle est chez elle. Je ne dis rien, de toute façon ça ne sert à rien.

À peine 1km plus loin, une petite dame, habillée d'époque, sur un vélo sûrement né en même temps qu'elle, nous regarde traverser une route. Arrivés à sa hauteur, je m'apprête à dire bonjour (oui, j'ai encore des restes de l'éducation que j'ai reçue) lorsque cette phrase sort de sa bouche : "Ah on en voit de plus en plus des illuminés qui se promènent avec un âne !". Ok, je ravale mon bonjour et je passe mine de rien tout en me demandant comment je pourrais caser une pelle dans mes sacoches. Juste au cas où...

On approche de St Gonnery, où la rigole disparaît dans le canal de Nantes à Brest. Une départementale à traverser et on y est. On a marché dimanche, lundi matin et mardi matin, on a fait 62km, plutôt pas mal comme moyenne. À vrai dire, rien d'exceptionnel, c'était relativement plat et très roulant. Le chemin pour accéder au canal est assez discret, il passe entre une maison et des panneaux de clôture. Évidemment on le rate (il suffit pourtant de regarder où on va pour le trouver), on passe dans un champ (le long de la haie) avec de l'herbe jusqu'aux genoux. Non Titine, pas manger !


Nous voilà au bord du canal de Nantes à Brest. Mission rigole d'Hilvern accomplie !



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