Deux choix s'offrent à moi une fois au bord du canal : soit à gauche, soit à droite. Ahaaaaah, pourquoi cette hésitation ?
À gauche, on se dirige vers Rohan puis Josselin, en passant par la tranchée d'Hilvern et l'échelle d'écluses peu après Saint Gonnery. De chez moi à Josselin, j'ai parcouru tout le canal. Ça permettrait de continuer ce "pèlerinage" (un petit bout régulièrement et un jour, j'en aurai fait la totalité, à pieds, avec mes ânes). À droite, vers le lac de Guerlédan en passant par Pontivy et sa célèbre échelle d'écluses. Je profite d'un grand carré d'herbe pour mettre Ballotine en pause (j'enlève les sacoches, elle mange, se repose) et réfléchir. Les deux me tentent, j'essaie donc de réfléchir au côté pratique. Si je me dirige vers Josselin, ça fera moins de route à Guy pour venir nous chercher vendredi. Et si problème d'ici vendredi, on sera plus près. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un problème mais la pluie (oui, je ne vous ai pas dit mais... Il pleut !) me fait douter pour mes animaux. J'ai peur qu'ils ne soient pas bien. Le plus près sera donc le mieux.
On reprend la marche après une bonne pause. J'ai envie de prendre mon temps, je profite à fond de cette rando mais la pluie me lasse un peu. Ça sera toute la contradiction de cette semaine : un temps exécrable qui "déprime" et en même temps un équipement qui permet de ne pas en souffrir et des moment de marche vraiment géniaux. Sans parler de la relation que j'ai avec mes loulous, incomparable.
Le canal à cet endroit est vraiment joli. D'abord, la tranchée d'Hilvern ! Je ne sais pas si mes photos montreront comme c'est agréable. Il y a aussi l'histoire de sa construction.
La plupart des maisons éclusières sur ce tronçon sont abandonnées. Il n'y en a pas à chaque écluse, mais chaque écluse a un petit panneau avec son nom, son numéro, et est entretenue. Je reviens sur l'échelle d'écluses. Les écluses existent pour faire passer les bateaux d'un niveau à un autre. Les canaux ne sont pas à la même hauteur sur toute leur longueur. Ici, le léger dénivelé ne permettrait pas aux bateaux de descendre la "colline". D'où la construction de nombreuses écluses très rapprochés, si rapprochées qu'on les appelle "échelle d'écluses". Il y en a donc une à Pontivy, et l'autre ici. Les bassins, dits étangs, que l'on trouve entre ces écluses sont simplement des réserves d'eau, zones tampons pour permettre la stabilité du niveau d'eau lors des éclusages.
Les berges sont larges, propres, propices aux pauses et évidemment... Aux bivouacs ! Je m'arrête dans l'après midi au niveau d'une maison éclusière en pleine rénovation. À côté, une large bande d'herbe, ça sera idéal pour Ballotine.
Je la débâte, emballe tout le matériel sous la bâche (il pleut toujours) et attends un peu. En cette fin d'après-midi, encore des promeneurs. Un jeune homme passe en vélo, il part chercher des champignons, il papote un peu. Il repasse quelque temps après, caresse Jaeger en me disant que lui aussi, il a eu un corniaud dans ce genre et que c'est sympa comme chien. Mon pauvre Jaeger... Il en aura entendu des races ou des non races ! M'enfin, trempé comme il est, c'est vrai qu'il ne ressemble pas à grand chose... Le jeune me propose de m'arrêter le lendemain matin prendre un café, lui et sa compagne vivent une partie de l'année en bateau et sont arrêtés dans un petit "port" plus loin.
Ballotine s'énerve, je ne comprends pas tout de suite. Je comprends qu'elle se fait attaquer par des petits moucherons et ça... Elle ne supporte pas ! Évidemment je n'ai rien emmené, je ne pensais pas avoir besoin de répulsif cette semaine. Je finis par trouver un mini spray anti moustique qui traîne dans mon sac depuis l'été dernier. Ouf, soulagée, elle se calme.
La soirée est calme entre averses et éclaircies. Ballotine a à manger, Jaeger est au sec sous la tente, tout va bien !
Mercredi... vers 6h du matin, je ne dors plus, j'écoute mon ânesse qui ronfle à côté de la tente. Mais... Je l'entends à gauche, je l'ai pourtant attachée à droite hier soir ? Je sors, Ballotine est effectivement en train de dormir juste à gauche de ma tente. Détachée, totalement libre, mais a côté de moi ! Je la ramène quand même du bon côté, et je vérifie ce qui a cassé. Rien. Rien n'est cassé, coupé, arraché. Comme si elle avait ouvert le mousqueton. Pourtant, ce genre de mousqueton n'est pas ouvrable par un âne. Et avec elle, je fais attention. Par exemple je ne peux pas lui mettre de mousqueton anti panique, elle sait les ouvrir. Là, je ne comprends pas, mais le principal c'est qu'elle soit restée ici.
On repart assez tôt, ce qui m'arrive assez rarement (je traîne le matin), et on profite du calme matinal. C'est silencieux, un peu embrumé. Nous changeons de rive à Rohan, la route est relativement dangereuse. Petite ville égale virages égale poids lourds qui ne nous voient qu'au dernier moment. Par contre, c'est magnifique, très typique, la ville donne envie de s'enfoncer dans ses ruelles. Il faudra que je revienne en touriste.
Nous continuons à longer le canal, sans difficulté et très peu de rencontres. Je discuterai vers l'abbaye notre dame de Trimadeuc avec une employée communale qui fait le tour des maisons éclusières, vides d'habitants en cette saison. Le canal est en travaux, il n'y a plus d'eau et les pelleteuses ont remplacé les poissons chat.
Je m'arrête déjeuner à côté d'une maison. Les aménagements sont sympas, il y a un carré d'herbe et une table toute neuve quasiment à chaque écluse.
Je suis en train de manger quand deux cyclistes s'arrêtent et se mettent à me poser plein de questions. Alors j'adore discuter mais m'empêcher de manger, ça me court un peu. Après plusieurs phrases banales, elles me demandent comment il s'appelle, mon âne. Et quand je réponds Ballotine, elles me font répéter, les yeux ronds, et répètent deux ou trois fois son nom. J'avoue que sur le coup, je ne comprends pas. " Oh mais c'est une femelle ? - Bah oui - Mais... Mais vous n'avez pas peur ? - Peur de quoi ? - Bah c'est une femelle, quand même ! - Et ? (Je comprends rien hein) - Et alors on a un voisin qui connait une personne qui loue des ânes et il ne faut surtout pas partir avec une femelle ! (C'est marrant parce que d'un coup elles s'y connaissent alors qu'en arrivant, leurs questions étaient vraiment signe de découverte) - Mais pourquoi ? - Ah mais parce que c'est complètement inconscient de sortir avec une femelle ! - Je vous entend bien mais je ne vois pas pourquoi ? - Parce qu'il ne faut pas, c'est simple. Vous devriez essayer avec un mâle vous verrez c'est bien plus prudent. (Rhaaaaaaaa naaaan mais quoi ???) - Euh, j'ai un mâle également, un hongre, et il n'y a absolument aucune différence entre eux que ce soit en randonnée ou au quotidien (je me garde de parler des rares humeurs de Titine quand elle est en chaleurs, ça leur donnerait raison et elles sont ridicules) - Vous auriez dû partir avec votre mâle ça aurait été bien moins inconscient. - Ok je ne vous comprend pas, je vais terminer de manger si vous voulez bien, bonne journée." Sérieusement, je cherche encore, enfin je ne sais même pas si je veux savoir finalement...
On reprend la route, plutôt le halage, et on marche, on marche. Ma bête dangereuse et mon inconscience avançons bien aujourd'hui. Il va être temps de chercher où s'arrêter. Peu de place sur les côtés, les bandes d'herbe sont coincées entre le canal et soit des ruisseaux, soit des propriétés privées. Puis... Un étang ! Enfin un groupement de petits étangs, avec un sanglier de promenade qui en fait le tour. Au milieu, un grand terrain herbeux qui surplombe le site. Pas mal ! Aller, on s'arrête là ! À ce moment, je regrette de ne pas avoir emmené ma clôture. Car j'aurais pu couper le passage et laisser Ballotine sur tout l'espace. Pas de risque qu'elle traverse les plans d'eau. Du coup, une idée me passe par la tête et... Je tente ! Je la laisse en liberté, je l'attacherai juste avant d'aller me coucher. C'est qu'elle est contente la bestiole ! Elle ne s'éloigne pas beaucoup, revient toujours me voir, elle profite. Une chouette soirée avec mes animaux ravis de cet endroit. Je m'oblige quand même à attacher Jaeger qui passe son temps à aller nager... Tu dors dans la tente mon gros !
Le seul hic, c'est qu'ici mon téléphone ne passe pas. Enfin, une minute de temps en temps, le réseau fait un signe. Un nouveau confinement est annoncé pour le lendemain. Super. Et je suis à me promener et dormir dehors...
Le jeudi matin, quand je me réveille, je ne sais pas trop à quoi m'attendre. Je ne peux pas trop me tenir au courant. Je cherche une solution pour ce soir, pour rester discrète quelque part. Je pense à des pseudo amis (connaissances) qui n'habitent pas loin et m'avaient dit "si un jour tu as besoin, n'hésites surtout pas !". Des gens avec qui j'ai passé des heures de conseils randonnée, ânes et j'en passe. À qui j'ai passé du matos aussi. J'envoie un petit message, histoire de savoir où me poser dans le coin et en me disant qu'ayant des ânes et par conséquent des prés, pourraient m'aider à trouver un endroit pour ce soir. Je ne vois copie pas la réponse, paraît que c'est illégale, mais en gros c'était "t'inquiètes tu vas bien trouver un endroit". Ok. Super. Sympa. Merci pour tout. Pas d'accès Internet et donc difficile de trouver les coordonnées d'un camping. Heureusement, Guy prend les choses en mains ! Il trouve un camping, vérifie qu'il est ouvert et m'envoie le numéro. On se met en marche et dès que j'ai du réseau, j'appelle !
Le camping est juste après Josselin, je n'ai que 20km à faire. On traverse la ville, très jolie, et on s'arrête sur une aire de camping-car pour faire la pause de mi journée.
Autant au bord du canal on avançait bien, autant pour rejoindre le camping, ça monte ! Ah ah, aller les loulous, ce n'est pas loin, on a vu pire l'été dernier !
L'accueil est super, la dame adorable. En bas du camping, il y a une mini ferme au bout des emplacements de tente. C'est sur ces emplacements que l'on s'installe. Et Ballotine a carrément droit à toute la longueur d'herbe en face ! Génial !
Je fais un petit tour pour regarder les hébergements proposés.
Un garçon d'une dizaine d'années, en vacances avec ses parents, vient nous voir. Il est gentil mais il viendra bien 15 fois dans la soirée, j'ai cru que je n'arriverai jamais à aller me laver ni à manger. En plus, il s'amusait à donner des kilos de pain aux chèvres à côté, je voulais surveiller qu'il ne donne rien a mes animaux. Enfin, ses parents lui ont dit de me laisser tranquille, après être eux aussi passés nous voir. Je suis plus patiente avec les enfants des autres qu'avec les miens, mais je suis bien contente d'être enfin seule.
Notre périple se termine. C'était prévu de rentrer le vendredi, mais une fois qu'on y est, ça paraît toujours trop tôt.
Guy viendra nous chercher demain midi, avec mes enfants et ma nièce. On rentrera après un bon pique nique au camping.