top of page
  • Photo du rédacteurJaeger & Compâgnie

Roméo vers Compostelle. 3. Montbonnet vers Roziers

Dernière mise à jour : 18 sept. 2021


Ce matin, je me réveille assez tôt. J'ai vraiment bien dormi, même si j'ai veillé tard, surveillant Roméo pour son premier bivouac en solitaire et profitant de ce moment de calme et de plénitude. Il fait encore beau, la pluie est annoncée dans la journée. Et pour plusieurs jours. On verra bien. Même si j'espère échapper au maximum à la pluie : rien à voir avec ma rando au mois d'octobre où la pluie était prévue toute la semaine et où, par conséquent, j'avais adapté mon matériel (et mon mental) avant même de partir. Là, on part en été alors je croise les doigts... Petit déjeuner recommandé par les plus grands nutritionnistes sportifs (café / clopes), rangement, bâtage de "la bête", remplissage des bouteilles d'eau et on prend le départ tous les trois.

Une petite montée pour sortir de Montbonnet puis nous arrivons dans la forêt, très agréable, jusqu'au "lac de l'oeuf". Attention ici, aucun lac. Mais de la végétation, du calme, enfin tout ce que la forêt peut apporter comme sentiment de zenitude. Je suis puis rattrape une femme, puis une autre. On discute, elles discutent, l'une d'elles s'arrête boire (ou autre, je n'ai pas vérifié). Je continue en discutant avec la première, une femme très posée. On avance, on sort de la forêt, on atteint le village baptisé "Le Chier". Alors là, forcément, on fait les photos que tout pèlerin fait. En général avec les blagues graveleuses et les jeux de mots qui vont bien.

On remplit nos gourdes, je fais boire les loulous (qui comme d'hab n'en veulent pas), on discute avec un groupe de pèlerines puis on repart.

On finit par atteindre Saint Privat d'Allier, sans difficulté, à travers les champs de, nous supposons, lentilles. Oui, nous supposons, car ce sont des cultures que je ne reconnais pas mais dans la région, par déduction, ce sont des lentilles. Sous les conseils de Catherine, on évite une descente réputée pour être dangereuse. On se met d'accord, elle ayant entendu des histoires assez peu rassurantes dans les gîtes, et moi étant accompagnée d'un loulou qui n'a aucun crampon ni bâton, avec ce temps pluvieux qui rend les descentes glissantes... On prend une alternative, à travers bois, rejointes par un couple de pèlerins qui voyagent avec leur chien et leur chaton, puis une jeune femme seule. Bon, l'alternative n'était peut-être pas plus simple, le bois étant en pleine coupe nous avons dévalé, puis remonté, des pentes raides et sablonneuses/terreuses/mouillées/glissantes, enjambé des tas de bois et autres joyeusetés... J'ai un moment cru que le couple et la jeune femme allaient nous engueuler pour les avoir embarqués là-dedans. Manquerait plus que ça. On n'a obligé personne à nous suivre.

La dernière descente fut assez raide (pour des sabots) mais on a déjà vu bien pire. Même le point en pierres passant le ruisseau passe inaperçu. Et à la fin, un parking avec toilettes et surtout, robinet d'eau potable. Ces robinets deviendront ma grande passion sur ce chemin. Il y en a quasiment partout mais on s'inquiète toujours de savoir si on va les trouver ou non ! À St Privat, je fais vite. Ce n'est pas une grande ville mais le trottoir n'est pas assez large pour mon âne alors... Je trace ! Je dis vite fait bonjour à plusieurs personnes accompagnées de plusieurs chiens, sans trop m'attarder.

Nous faisons une pause déjeuner après quelques recherches et exigences de ma part (moi qui ne veux pas entrer dans un pré cultivé avec mon âne par respect du travail des exploitants) dans un pré qui a été récemment fauché et où les bordures offrent à Roméo l'occasion de se reposer et se restaurer à sa guise. Nous discutons avec ma comparse, qui donne une partie de son déjeuner à Rikiki. Elle a prévu de marcher jusqu'à Figeac puis son mari viendra la rejoindre pour entreprendre la voie de Rocamadour, elle à pieds, lui en vélo. Génial de pouvoir combiner la passion de chacun ! L'arrivée à Monsitrol d'Allier est très agréable. Un peu de route mais cette ville est si calme et si jolie ! Je manque de me tromper de direction, ayant dans la tête qu'on doit passer un pont je serais capable de prendre n'importe quel pont. Heureusement Catherine, toujours avec nous, est plus attentive que moi ! Nous apercevons plusieurs personnes déjà rencontrées qui sont à la terrasse d'un café. Je les salue sans pouvoir m'arrêter : c'est au bord de la route et rien pour attacher doudou en sécurité.

On arrive au pont. Il s'agit du Pont Eiffel. Structure métallique du sol au plafond, un passage piéton est aménagé sur le côté pour la sécurité des randonneurs. Ah ah. Des randonneurs oui. Mais pas des ânes qui les accompagnent. Je ne tente même pas, je vois directement que mon gros ne passe pas en largeur avec ses sacoches ( parfois, j'essaie quand même, ce qui est très con, j'avoue). Enfin, on n'est pas dans une grande ville, je laisse passer une voiture et on s'engage, on ne gêne personne. Si jamais je me posais la question, le passage sur ce sol métallique surplombant du vide puis de l'eau n'a même pas eu l'air de questionner Roméo. Il a avancé, comme si on continuait sur la route. Même pas regardé. Dingue. C'est sur le pont que je me rends compte de son indifférence et sur le coup, j'ai failli me mettre à pleurer. En souvenir de mes premières sorties avec Ballotine, où même 3 planches elle ne voulait pas les passer. Depuis, elle passe sur n'importe quel pont, Roméo sur ses talons mais là... C'est quand même la première fois qu'il part sans elle pour le guider, le rassurer si besoin, lui montrer le chemin ! En choisissant de partir avec lui, je me disais que je ne devrais pas vraiment avoir de difficultés car déjà, c'est un gentil et qu'en plus, il a déjà vadrouillé pas mal depuis qu'il est à la maison (plusieurs centaines de kilomètres maintenant) et qu'il a tout appris sans vraiment s'en rendre compte. Et à ce moment, sur ce pont, je me dis qu'il va peut-être dépasser largement mes espérances... Merci Catherine pour la photo !


Fini le moment d'émotion et de béatitude, après Monistrol, on va moins rigoler ! Et oui... À la sortie, on doit quitter la route et prendre un sentier, qui coupe le virage, pour attaquer la montée vers la chapelle de la Madeleine. Mais bizarrement, Roméo refuse radicalement de s'engager sur ce sentier. Et pourtant, aucune difficulté visible. J'insiste un peu, juste pour vérifier, mais je ne souhaite pas l'obliger à faire quoi que ce soit encore. Alors on prend la route, ça nous rallonge vraiment peu, d'ailleurs la route est balisée en déviation pour les périodes de pluie. Je ne sais toujours pas ce qu'il a senti pour ce sentier et à vrai dire... Ça m'est égal. Arrive la montée. J'y retrouve Catherine qui se demandait pourquoi on n'arrivait pas.


Cette montée, pour les alpinistes, c'est rien du tout. Pour les gens normaux... Heureusement que le temps est gris et qu'une pluie fine tombe depuis ce matin pour nous rafraîchir car sinon, on pleurerait ! Bon, pour résumer, on chiale jusqu'à la chapelle mais après c'est encore plus raide. Le sentier jusqu'à elle n'est pas large, caillouteux, ça passe en humain, ça passe en âne calme. C'est raide et quand on arrive à la chapelle, un prêtre et son [assistant, arpette, apprenti ? J'en sais rien] sont présents pour raconter l'histoire de cette chapelle et des représentations présentes. Une pause improvisée... Et je profite aussi de leur présence pour faire tamponner ma crédentiale. Et oui, autonome (donc sans besoin d'entrer dans des magasins) et en bivouac, il est compliqué pour moi de faire tamponner à chaque étape.

Quand on repart, Roméo n'est pas d'accord. Je pense qu'il voit ce qui nous attend après. Ou qu'il croit que c'est terminé. Une côte, presque plus raide que la précédente, avec au choix la pente terreuse humide ou des marches fabriquées avec des ronds de bois... Au choix : glissant qui monte ou glissant qui monte. Je prends les marches, il prend la pente. Il m'épate. Pas une glissade, pas un faux pas, il se hisse jusqu'en haut. Évidemment, au hameau en haut on s'arrête un peu. De toute façon, je ne peux plus bouger. Moquez-vous mais rappelez-vous que chez moi, c'est plat, et on habite même sous le niveau de la mer (nan, soyez pas bêtes, on ne vit pas sous l'eau, je parle juste de la hauteur au sol) !

Roméo en a marre, je le sens. En même temps, aujourd'hui ça a été physique. Surtout en deuxième journée, on est à peine échauffés. Mais j'aimerais trouver un endroit avec de l'eau pour qu'on s'arrête. Encore de la route, toujours en montée, puis du chemin forestier. On marche, on marche, rejointes par une troisième pèlerine. Je les laisse partir devant, je ralentis avec Roméo qui me montre qu'il en a assez. J'essaie de le motiver, histoire d'avancer jusqu'à trouver un endroit adapté. Mais... On est encore dans la période de mise en place ensemble. Comme je vous ai déjà dit, première fois rien que nous, sans Ballotine. D'habitude, je discute et je m'engueule avec Titine. Puis lui, il attend que ça passe et suit sa muse. Il me connaît, il me voit tous les jours de l'année, je passe des moments seule avec lui, il me fait confiance et m'aime, ce n'est pas le problème. Mais là, on est partis et elle n'est pas là. On sait, lui et moi, qu'il va falloir qu'on se cale ensemble, rien que nous. Mais on est conscients tous les deux que ça ne se fait pas en un jour. Oui oui, lui aussi en est conscient. C'est un âne je vous rappelle, son intelligence est supérieure à la mienne (et à celle de beaucoup d'humains). En bref, on doit se comprendre et je ne dois surtout pas déconner : le moindre faux pas ces premiers jours et sa confiance en moi s'éteindra. La montée est longue mais je garde en point de mire le hameau plus loin qui offre un robinet d'eau...

Quelques centaines de mètres avant ce fameux hameau, toujours en côte, Roméo cale. J'essaie de le faire bouger mais pas moyen. Je me fais penser à ces gens qui louent un âne sans rien y connaître et qui gesticulent pour rien autour du pauvre animal. Je vois Catherine, plus haut, qui m'attend puis, voyant qu'on ne bouge plus, me prévient qu'elle avance. Oui, excuse moi, vas-y, je n'ai même pas pensé à te dire de filer ! On a marché toute la journée ensemble et je suis sûre qu'on se reverra, en attendant elle a réservé ses gîtes alors autant qu'elle y arrive de bonne heure. La pauvre, arriver tard à cause de moi, ça me gênerait ! Bloqués dans cette montée, j'avoue que moi aussi j'en ai un peu raz le bol. Manque d'entraînement, journée assez harassante finalement, si seulement on avait continué jusqu'à l'eau ! Enfin, dans tous les cas ce sont mes ânes qui dirigent les décisions. Et d'habitude, je n'attends pas qu'ils en aient vraiment marre. En temps normal, j'anticipe mieux, je cherche des lieux de bivouac tôt dans la journée, afin de les arrêter avant qu'ils fatiguent. Et surtout parce que pour les bivouacs, je cherche pour eux avant tout. Il faut absolument qu'ils aient de quoi manger en sécurité toute la nuit. Une fois ça trouvé, je plante ma tente où je peux. C'est secondaire. Tant qu'eux ils sont bien. Là on est en pleine forêt, d'un côté du chemin il y a des prés. Hors de question d'y aller. De l'autre côté, je ne sais pas, je vois de la forêt, et je vois aussi le dénivelé. J'attache Roméo, lui enlève ses sacoches et vais voir avec Rikiki. J'entre dans la forêt et... Je trouve une sorte de clairière avec seulement quelques arbres et... Du plat ! Ok Roméo, bien joué garçon, on dort ici !

Je me pose un peu au bord du chemin, comme d'habitude quand je trouve un lieu de bivouac : j'attends, j'observe, j'écoute... Pour savoir si on sera tranquilles la nuit. Pas mal de marcheurs passent, finalement on a bien avancé sachant que la majorité est partie de St Privat ce matin. Je discute notamment avec une maman et son fils, accompagnés de leur chihuahua (que le fils porte dans un sac adapté quand c'est nécessaire) et d'une jeune husky. Ils sont partis, en bivouac, ont les deux mois de vacances scolaires avant la rentrée du fils, marcheront tant qu'ils pourront et jusqu'où ils pourront. Adorables, je les recroiserai plusieurs fois (ils font partie de ceux que j'ai vus aujourd'hui à Monistrol d'ailleurs). J'aimerais vraiment savoir jusqu'où ils seront allés cet été. Ils continuent car veulent absolument goûter les tartes à la myrtille si réputées aux Roziers... On en reparlera... L'heure acceptable de bivouac approche, je monte les affaires puis Roméo jusqu'à la clairière. Je fais son parc, il aura de la place cette nuit, et je monte ma tente pile avant l'averse. Une fois tout le matos protégé, l'orage commence, il durera une grande partie de la nuit. Rikiki dort, sereine, Roméo profite de sa nuit, la météo n'entache pas le plaisir de ce bivouac très bien choisi par Romé. Mes loulous calmes, je monte chercher de l'eau au hameau, et je vois ce qu'on aura à faire au démarrage demain. Super... En fait j'ai des principes, à force, tout le monde ne comprendra pas mais je tiens à le dire : je ne m'arrête jamais dormir dans ou avant une côte ; je m'arrête toujours dormir avant les villes. Bon, on aura au moins respecté un de mes principes.

Je me rends compte qu'au fil des années, avec l'habitude, je dors de mieux en mieux en bivouac. Finies les nuits à veiller à l'affût de tous les bruits possibles. Maintenant... Je dors !






122 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page