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  • Photo du rédacteurJaeger & Compâgnie

Roméo vers Compostelle 4. Roziers vers Chanaleilles



Hormis quelques bruits non identifiables dans la nuit, c'est reposés que l'on commence cette journée. Roméo est resté calme malgré les orages, et apparemment il a bien mangé aussi. Il ne pleut presque plus ce matin, j'arrive presque à ranger la tente sans la mouiller. J'espère quand même que la météo se trompe, on a plusieurs jours d'alternance de ciel gris et pluie annoncés et franchement... Ça risque de me gaver un peu. J'ai en général de la chance et je parviens à monter/démonter la tente entre deux averses mais quand même. Elle finira par être trop humide bientôt. Quand je la changerai, cela sera un critère décisif : pouvoir monter la chambre après la toile extérieure. Comme ma grande tente Robens que j'ai utilisée avec plaisir lors de notre semaine sous la pluie en octobre dernier.

On repart tranquillement, je ne sais pas trop jusqu'où j'irai aujourd'hui. Je regarde vite fait en me disant que de toute façon, on verra bien. J'ai déjà un message de Bernard, qui me demande où je suis. Tiens, et il a essayé de m'appeler hier soir aussi ! Comme je mets mon téléphone en mode avion pour économiser la batterie, je vois mes notifications et messages avec un beau décalage. Bon, je sais qu'on va essayer de se voir pendant mon périple alors, espérant les revoir très vite, je lui dis où j'ai dormi à peu près. Le trajet, pas besoin de préciser, tout le monde le sait !

On est sur le chemin vers Roziers, on retrouve le couple qu'on avait déjà vu hier, vous savez, accompagnés de leur chien et leur chaton. Je leur demande l'autorisation de les prendre en photo, le petit chat est trop mignon ahah.


On fait quelques kilomètres ensemble, jusqu'au troupeau de chiens en liberté qui ne me rassurent pas et on traverse le village où ils font un détour pour manger les "fameuses" tartes à la myrtille. Mais je les revois plus tard, ils se sont faits jeter, apparemment l'accueil est super en fin de journée, car les pèlerins y passent plus de temps et consomment plus... Arrivés au village "Le Vernet", le balisage est assez curieusement fait, je retrouve quand même le bon chemin. Le couple fait un détour, volontaire ou non je ne sais pas. Moi j'avance jusqu'à la sortie du village. À la sortie, le large chemin longe une ferme où aucun bétail n'est visible, juste des bâtiments et des tracteurs. Le portail ouvert, j'avoue, me stresse... Et pas pour rien encore. Un Patou arrive et se campe sur ses pattes dans l'entrée de la ferme. En grognant, tant qu'à faire. Je serre au maximum à gauche, donc au plus loin de lui. Faire demi tour ne rimerait à rien on était déjà au niveau du portail quand il est apparu. On est passés. Quand... Le chien, montagne des Pyrénées donc imposant et puissant, arrive derrière nous et chopé Roméo au jarret !!! Un second chien arrive, un type border cette fois, croisé Patou vu le mastodonte et il grogne, nous suit. J'essaie de leur parler, marcher tranquillement. Au fond de moi je suis terrorisée. Même si Roméo, en bondissant de surprise, lui a mis un coup de sandale à travers la tête, ça n'a pas l'air de l'avoir impressionné le gros blanc. Ils finissent par arrêter de nous suivre. Ils n'ont même pas vu Rikiki que bêtement, j'avais cachée dans mes bras. Je la repose quelques centaines de mètres après, j'espère que je ne lui ai pas fait mal en la serrant contre moi. La pauvre, pour échapper aux gros méchants chiens, elle se fait broyer par sa maîtresse. Je m'arrête, vidée. J'ai vraiment eu peur. Je tremble de tout mon corps. Roméo et Rikiki ont l'air de gérer ça mieux que moi. Lui il profite de cet arrêt et elle, elle couine pour repartir. Le couple arrive à mon niveau. Ils se sont aussi faits embêter par les chiens, leur chien a filé droit devant ce qui lui a permis d'être hors de leur pseudo territoire... Mais ils sont aussi sur le cul que des choses comme ça arrivent sur un chemin de pèlerinage. On n'est pas en pleine montagne, il n'y a pas d'estives en liberté à cet endroit, la ferme avait grillage et portail. Rien à voir avec les patous qui gardent les troupeaux en alpages... Sinon, oui, ça aurait été normal ce genre de comportement. Là, c'est juste un connard qui ne veut pas qu'on passe sur le chemin. Voilà, c'est dit.

Je profite mal du paysage ensuite, mais on marche bien. C'est superbe, même si le temps n'est encore pas au rendez-vous. Enlever et remettre le poncho, ça sera l'activité du jour. Ce n'est pas de la grosse pluie mais c'est quand même usant. Je rencontre un autre couple peu avant Saugues, on papote, ils posent des questions auxquelles j'ai plaisir à répondre. Roméo marche bien mais je sens que la pluie l'épuise. Aller doudou, on va traverser la ville et après, on fait une pause.

Dans la descente vers Saugues, je prends Roméo en photo dernière moi sur le chemin caillouteux et quand je me retourne je vois une tête apparaître en haut de la prochaine pente. Quelqu'un arrive en face et... Cette silhouette me dit quelque chose... Oh putain c'est Bernard !!! Je savais qu'on se verrait sûrement mais si vous saviez comme l'émotion m'envahit en voyant ce p'tit grand bonhomme ! Je me jetterais bien dans ses bras mais on risque de débouler la pente. On descend ensemble et malgré l'effet de surprise passé je suis tout aussi heureuse et émotionnée de retrouver Christine. Qu'est ce que je les adore ces deux là ! On se dit bonjour, on papote et on se met d'accord pour se retrouver au calme à la sortie de la ville. Je traverse, et ils m'attendent de l'autre côté.

Saugues est une ville très agréable à traverser. Enfin, quand on a un âne, les trottoirs ne sont pas large, il y a pas mal de circulation, et plusieurs personnes, pèlerins, vacanciers, habitants, l'arrêtent pour discuter ou prendre l'équipage en photo. Mes deux bestioles m'épatent, rien ne les perturbe. Ils traversent la ville aussi calmement qu'un sentier en forêt. Je réponds aux questions, souris, mais j'ai la tête à nos retrouvailles avec Christine et Bernard. Je n'ai pas envie de traîner. Autre surprise, je retrouve Catherine, avec qui j'ai marché la veille. On avance un peu ensemble puis elle me quitte pour aller visiter.

Enfin, la sortie de la ville, je me mets à chercher la voiture. Vite, vite. Ahah. Un grand parking, de l'herbe pour faire patienter doudou, et pas de pluie pour l'instant. On a tellement de choses à se raconter, on décide de pique niquer ici, ensemble, même si on n'est qu'en milieu de matinée. Y'a pas d'heure pour les braves ! Et puis... On ne s'est pas vus depuis le camping à Luc l'été dernier !

Je profite de ce moment à fond. Ils ont encore prévu un pique-nique incroyable. Christine a même pris de la charcuterie à Langogne, à l'endroit même où elle avait pris l'excellente saucisse sèche que j'avais tant aimée l'été dernier. C'est peut-être un détail pour vous (non, personne n'a joué de piano debout) mais ce genre d'attention est vraiment incroyable. Penser à ces petites choses finalement si grandes. Je pourrais vous écrire plusieurs chapitres sur Christine et Bernard, sur tout ce que je peux ressentir quand je les vois, quand j'y pense. Mais je garde ça dans mon coeur, ça ne se partage pas comme ça. On parle, on parle. De chevaux, d'ânes, de voyage. Roméo met ce temps à profit pour faire une sieste. Il se sent bien, il va jusqu'à se coucher. En confiance, il me laisse faire une séance de photos à côté de lui. Il permet à Bernard de s'approcher en restant couché. Première fois qu'il reste couché quand quelqu'un s'approche. Jusque là, même moi j'avais du mal.

D'ailleurs, c'est à partir de ce jour qu'il y a eu ce "déclic" avec Roméo. Vous savez, je vous en parlais au début, il fallait qu'on se mette en place ensemble, lui et moi, qu'on se comprenne sans Ballotine en tampon. Qu'il grandisse et que je trouve comment lui parler. Qu'il trouve comment me parler. Les jours suivants, on s'engueulera, mais ça sera en se comprenant. Rikiki tombe amoureuse de Christine. Bah oui, elle lui a fait découvrir le jambon sec et la saucisse sèche. Elle qui ne mangeait pas grand chose et n'aimait rien, elle a aussi eu un déclic apparemment ! Elle va même jusqu'à faire une sieste sur les genoux de Christine. Bizarrement, elle boite d'une patte, il faut que je surveille et que je trouve où elle a mal exactement.

On passe plusieurs heures ensemble. Beaucoup de pèlerins sont passés, plusieurs que j'avais déjà rencontrés. Je suis assez surprise car on a fait des petites journées de marche et là, ça fait un moment qu'on est arrêtés. Moi qui pensais qu'on n'avançait à rien, on était finalement devant ceux que je croyais partis moins devant. C'est ce qui est rigolo sur ce chemin. On revoit sans arrêt les mêmes têtes. C'est génial. Je reprend le chemin dans l'après midi. Difficile de les quitter, surtout quand on ne sait pas quand on se reverra...

Le chemin n'est pas très agréable au début, puis on traverse une forêt. L'ambiance y est bizarre, j'adore les forêts mais celle ci me fait un effet différent. Je ne sais pas si je m'y sens bien ou mal à l'aise. Pourtant, elle est très lumineuse, il n'y a pas la dimension étouffante qu'on peut ressentir dans la plupart des forêts. Peut-être que je préfère le genre "étouffant" finalement. Je suis incapable d'exprimer l'effet qu'elle me fait.

Je suis prise d'un fou rire et je ris pendant des heures à cause.... d'une bouse ! Oui oui, vous m'avez bien lue ! Sérieusement, sa taille à côté de Kiki, je n'en peux plus. Je prends même une photo que je vous partage sur Facebook, avouez que vous avez autant ri que moi. En attendant, je ne sais toujours pas qui a sorti ça, je n'en ai jamais vu de cette taille et pourtant, avant, on avait des vaches ! Il en faut peu pour s'amuser hein.

En arrivant vers la fin de cette forêt, j'entends des gens parler au loin derrière moi. Enfin parler... Plutôt hurler. Ce groupe me rattrape en s'exprimant toujours aussi fort. Ils me parlent un peu mais j'ai directement envie de les envoyer paître. Des branleurs... Le plus bruyant, le meneur je suppose, se la joue un peu trop. Il monte le son trop haut, fat de grands gestes pour appuyer sa science, qui s'avère toute relative. Je m'oblige à rester calme, je parle le moins possible car c'est une évidence, ils me prennent de haut. Aucun intérêt ces gens là, discuter avec eux serait de l'énergie perdue. Le plus grand randonneur de la planète expérimenté et conseillant avec forces et fracas ses partenaires porte tout de même sur son sac une tente "2 seconds". Aller cause Tortue Ninja, tu es ridicule. Prenant soin de mes nerfs, je prétexte une pause pour les laisser partir devant. Loin devant, c'est bien ça, oui loin. Je les entendrai encore un moment...

Les kilomètres suivants sont vraiment peu agréables. De la route, des voitures qui roulent vite, le temps gris, et en plus ça monte. On descend vers un village quand Roméo bloque. Il sent que la grosse pluie arrive alors il ne veut plus bouger. Sauf qu'on est sur une route et sans abri à proximité. Ça m'énerve, il bloque encore plus, je m'énerve, je le pousse, on avance tant bien que mal. On arrive à des toilettes publiques et ça me semble l'endroit idéal pour attendre une accalmie. Et faire retomber la pression. De toute façon on n'ira nulle part dans cet état de nerfs. J'enlève les sacoches de Roméo, lui mets la bâche pour le protéger au maximum et je m'assois avec Rikiki. Tous les trois sous l'appentis des toilettes, complètement recroquevillée, on doit avoir fière allure ! Je suis à deux doigts d'abandonner pour aujourd'hui. Il y a de l'eau, des commodités, mais malheureusement, pas d'herbe. On ne pourra pas rester. Quand le ciel nous fait entrevoir un petit mieux, on repart. On est calmés, on s'est arrêtés plus d'une heure. Normalement, à cette heure-ci, je suis déjà arrêtée sur un spot pour passer la soirée et la nuit... Mais bon, ça arrive, il fait jour encore un moment.

On marche bien et on arrive au village de Le Villeret d'Apchier. C'est très joli, mais évidemment je ne m'y arrête pas. Toujours avant ou si impossible, après les villes ou villages. Mais on en a quand même un peu marre aujourd'hui. On a fait une longue pause et l'heure tourne, je n'aime pas m'arrêter trop tard. Sur carte, je ne vois rien pour se poser avant un long moment. Ca remonte directement après le village. Je commence à me dire que le bivouac de ce soir va vraiment être pas terrible... Effectivement, rien. Et je sens que Roméo va bientôt me dire stop. Tant pis. Je prends l'option de nous arrêter en pleine côte, dans le chemin, avec la forêt d'un côté, mais clôturée, et des prés de l'autre. Et bien on va se poser au bord du chemin. Pas grave, on aura mieux demain. Ou pas. On verra. J'attends qu'il fasse bien sombre avant de monter la tente. Roméo est attaché plus bas, il a de quoi manger dans une entrée de champ, quand j'entends des aboiements au loin. Tiens, bizarres ces chiens. Et les cris se rapprochent. L'un aboie, l'autre aboie en retour. D'un coup, je me tape sur le front (oui la blague des blondes...) : ce ne sont pas des chiens ! Ce sont des aboiements de chevreuils ! Quelle gourde ! N'empêche que Roméo devient nerveux, commence à regarder au loin dans les prés. Je les entends de plus en plus proches, je ne bouge plus. Ma chienne de chasse... Elle dort ! D'un coup, Roméo se met en bout de longe, s'énerve, et je n'ai pas le temps de réagir que les chevreuils passent à côté de lui. Eh bien... Je ne pensais pas qu'il aurait si peur ! Ces bestioles là, il en voit souvent. J'ai juste le temps d'attraper mon téléphone et de faire une mini vidéo, de très très mauvaise qualité (il fait sombre et en plus je zoom, la totale), l'un des chevreuils s'arrête dans le chemin un peu plus loin et nous observe. C'est un moment magique. Je vous mets une capture d'écran de la vidéo, histoire de...


Quand il repart, je mets un long moment à réussir à calmer Roméo. Je décide de le remonter au plus près de ma tente, car il reste aux aguets et le laisser dans un passage ne serait pas l'idée du siècle. Il a de quoi grignoter pour la nuit, je le ferai manger longuement demain.


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