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  • Photo du rédacteurJaeger & Compâgnie

GR70 Sur les traces de Modestine. 3. Velay, premières grosses fiertés.

Dernière mise à jour : 16 sept. 2020



C'est ici, au Monastier-sur-Gazeille, que Stevenson passa un mois à préparer son voyage, en août 1878.

Une volonté de mettre de la distance entre lui et le monde, un besoin de pause dans sa vie, un douloureux amour impossible avec Fanny Osbourne, future divorcée repartie en Californie... Pourquoi au Monastier ? Peut-être parce que l'un des romans de George Sand l'avait emmenée recueillir des éléments dans ce village (Le Marquis de Villemer). Et que ce roman était l'un des favoris de Stevenson.

Quelle qu'en soit la raison, il décida de partir de "cette petite localité [ ] fameuse par la fabrication des dentelles, par l'ivrognerie, par la liberté des propos et les discussions politiques sans égales" et de se diriger à pieds vers le sud, en traversant les Cévennes jusqu'à Alais (Alès).


Afin de pouvoir camper, il se fit fabriquer un sac à viande, qui lui servirait à la fois de sac de couchage et de valise, "une sorte de [ ] saucisson en bâche verte imperméable à l'extérieur et en fourrure de mouton bleue à l'intérieur".

Ne pouvant porter son attirail sur ses propres épaules, il décida de ne pas voyager seul.

"Restait à choisir une bête de somme. Or, un cheval est, d'entre les animaux, comme une jolie femme, capricieux, peureux, difficile sur la nourriture et de santé fragile. Il est de trop grande valeur et trop indocile pour être abandonné à lui-même, en sorte que vous voilà rivé à votre monture comme à un compagnon de chaîne sur une galère. Un chemin difficultueux affole le cheval, bref c'est un allié exigeant et incertain qui ajoute cent complications aux embarras du voyageur. Ce qu'il me fallait c'était un être peu coûteux, point encombrant, endurci, d'un tempérament calme et placide. Toutes ces conditions requises désignaient un baudet".

(R-L Stevenson, "Voyage avec un âne dans les Cévennes")

Un vieillard du village lui vendit Modestine, "une chétive ânesse, pas beaucoup plus grosse qu'un chien, de la couleur d'une souris", soixante francs et un verre d'eau-de-vie après d'âpres négociations.



Je pourrais vous recopier le roman, mais je vais plutôt vous encourager à le lire par vous-même.

Anier inexpérimenté, il prit la route en septembre 1878.



On suit ses traces en traversant la rivière, à gué en 1878, par un pont en 2020, et en attaquant la montée dans un bois de pins. Une ascension à froid, je peux vous dire que ça nous réveille... hum...



Dans la matinée, nous rencontrons Alexandra et son fils Lilian, 13 ans, qui se sont eux aussi lancés sur le chemin. Lilian a un peu mal aux pieds, le petit Savoyard ne manque pourtant pas d'entraînement ni d'habitude.





On marche ensemble jusqu'à St Martin-de-Fugères, où l'hospitalité légendaire du pays, largement contée par Stevenson, prend toute sa dimension. Un commerce bar, boulangerie, et évidemment, on se fera la réflexion tout au long du chemin... rien pour attacher les animaux ! Dans le titre "Voyage avec un âne dans les Cévennes" roman à l'origine de ce GR, personne n'a noté le mot "ÂNE" ? Les loueurs d'ânes sont pourtant légion, c'est un chemin qui historiquement demande à être parcouru avec des ânes, à ce qu'on puisse aller dans les commerces et donc... qui demande à ce qu'on laisse les ânes en sécurité. M'enfin...

Fabrice reste avec les animaux, et je vais acheter du pain et des viennoiseries pour le petit-déjeuner. Je demande à la commerçante (qui n'a de commerçante que le nom), si l'on peut prendre un café un peu plus loin, hors du passage, afin de ne déranger personne et de pouvoir garder nos animaux en sécurité. Et bien "non, il y a un anneau là bas". Oui, UN anneau dans un mur, au bord de la route. Un anneau et 3 équidés, y'a pas un truc qui t'échappe ???!!!! Elle a du avoir peur qu'on se barre avec ses tasses ! Qu'elle le garde son café, on s'en fout on a un Thermos d'eau chaude. Dommage, j'avais déjà pris le pain sinon elle restait avec aussi.



Bref, petit-déjeuner, on repart de nouveau en compagnie de Alexandra et Lilian.

Elle me raconte un truc assez incroyable. Elle voulait louer, pour son fils, un âne pour quelques jours. Depuis début mars (avant le confinement), elle laisse des messages sur les répondeurs, envoie des mails, relance, les loueurs d'ânes qui sont dans les environs et... un seul a répondu, et pour lui dire que pour 2 ou 3 jours ça ne l'intéresse pas ! Elle a fini par demander pour une durée plus longue, puis pour un séjour super organisé (donc plus cher), même de louer âne et guide afin de pouvoir faire plaisir à son fils et... toujours le même genre de réponse.

Bon, on est au même endroit au même moment. Je la regarde, me tourne vers son fils et... je lui donne la longe de Roméo ! Je lui explique rapidement comment le tenir, je ne m'inquiète pas de toute façon il suit Ballotine. Le petit se débrouille bien, je lui dis comment faire quand il s'arrête manger, et Fabrice qui est derrière met discrètement un petit coup sur le cul du gros s'il abuse.




On arrive en haut d'un chemin qui sur le coup, ne nous inquiète pas. Pas très large, bien caillouteux, qui descend mais bon...

Une fois coincés dedans (on ne peut pas faire demi tour) on n'a plus le choix. Je n'ai pas pris de photo...



J'ai demandé à Lilian de lâcher Roméo et de ne pas rester à côté ni juste devant. Le chemin a commencé à devenir vraiment... comment dire... tendu. Des roches, des trous parfois presque aussi hauts que les membres de mes ânes, on m'aurait emmenée ici en me disant "tiens, tes ânes tu les feras passer par là" j'aurais tout simplement rigolé et cherché un détour. Je vous rappelle qu'on vit en Loire-Atlantique, que ce genre de chemins on n'en a jamais fait avec mes ânes ! L'équipe Picarde n'est pas plus habituée que nous.



On ne fait pas les malins, on est concentrés, chacun avec ses animaux. Concentrés, pas rassurés, mais on leur fait confiance et pour tout vous dire, quand on termine cette longue descente vers Goudet, on est incroyablement fiers de nos longues oreilles ! Je ne peux même pas exprimer par écrit cette fierté et cette gratitude qu'on ressent envers nos chers compagnons. Ils nous ont épatés. Certes, ce sont des animaux connus pour leur pied sûr. Mais ce sont les nôtres. Qui vivent sur du plat. Qui n'avaient encore jamais expérimenté ce genre de descente infernale. Une émotion intense, une reconnaissance... Qui se reproduiront plusieurs fois lors de ce périple.




Séance photo en arrivant à Goudet, discussions avec plusieurs randonneurs, puis on fait le plein d'eau, et on repart. Alexandra et son fils sont partis voir s'ils trouvent un restaurant.



Un peu de route, le village est superbe.







Et on arrive à ce passage à gué... Aïe. Violent.

J'ai lu plusieurs récits de personnes ayant loué un âne racontant des problèmes pour faire traverser. En même temps, ça se comprend. Il n'est pas profond mais les galets et le courant ne sont pas faits pour rassurer ces animaux qui détestent l'eau. Je sais que Ballotine ne passera pas. Mais faire le détour par la route...



Vérac réfléchit un petit moment puis se lance. Ce n'est pas pour ça que Ballotine va se décider. Ma Titine ne me fait pas de cadeau de ce genre en début de rando. "Les 3 premiers jours sont les plus difficiles" : on dit ça pour le corps, mais c'est valable aussi pour ma Titine. 2 jours plus tard elle passerait. On est partis hier, il ne faut pas compter dessus.


Sur l'autre rive, le couple que l'on a vu hier soir à notre campement. Leur chienne joue avec Merlin.

Fabrice essaie de pousser Ballotine, et le monsieur nous propose son aide. Les voilà à deux derrière elle, Fabrice explique à son collègue improvisé ce qu'il faut faire et les voilà qui la soulèvent pour la faire traverser ! Roméo attaché derrière handicape un peu la manœuvre, j'aurais du le détacher, mais il suit. Une fois tout le monde du bon côté, on est épatés par le coup de mains de ce randonneur qui n'avait aucune expérience quelle qu'elle soit avec ânes ou autre bestiole à sabots. Et il a fait ça naturellement, avec une gentillesse incroyable, sans se poser de question !



On profite de la traversée pour faire notre pause.

En repartant, ça monte ! Ballotine entreprend quelque chose qu'elle m'avait déjà fait à notre première rando. Je vais parler à sa place pour expliquer : "tu fais chier, ça monte, j'en ai marre, pars toute seule moi je reste là". Alors moi, simple humaine, entre la motiver, l'encourager, rouspéter... Je me mélange. Parce que bon... pour le dire simplement, moi aussi j'en chie ! Fabrice, qui marche derrière avec Vérac, m'aide en rappelant régulièrement sa présence derrière Titine. Pas besoin de taper dessus, à l'inverse de Stevenson avec son aiguillon...



L'ascension est longue, le temps se couvre, l'orage arrive ce soir, il fait très lourd. On avait été prévenus de l'arrivée de l'orage, on sait déjà que l'on n'ira pas jusqu'au Bouchet Saint Nicolas. Ce n'est pas grave, on ira demain, d'autant que l'on veut faire le détour vers le lac du Bouchet. Alors... on a le temps.



L'arrivée vers Ussel n'est pas très agréable, de la route, les gens roulent roulent vite et nous frôlent. On a même l'impression que certains font exprès d'accélérer. Une fontaine pour remplir nos gourdes, un abri bus pour éviter le plus gros de l'averse qui nous tombe dessus, un bar où la gérante, quand Fabrice va lui demander si elle connait un terrain où on pourrait passer la nuit, lui répond "vous dormez avec toute la ménagerie là ?" . Elle lui parle d'un terrain communal et je ne sais quoi, en gros on doit suivre le GR et on tombera dessus. Ok. On ne prendra pas de café ici non plus, la circulation est dangereuse et... rien pour les attacher ! On passe devant un jardin où toute la famille est dehors, j'ose leur demander s'ils connaissent le terrain en question, ils nous expliquent.



En effet, on n'aurait pas pu le louper. Pas grand chose pour s'abriter, rien d'ailleurs, on ne traîne pas pour s'installer, l'orage menace. Un jeune couple repart de ce terrain, la tente qu'ils ont achetée d'occasion prend l'eau, ils ont trouvé un gîte ayant de la place pour eux. Des promeneurs restent à nous observer, nous regarder. Les gens sont bizarres hein...




Les tentes sont montées, tout est rangé quand l'orage éclate. On va vite se mettre à l'abri dans nos tentes et on attend. Longtemps. Bon, une accalmie serait bienvenue parce que... on a faim !

L'orage dure un temps fou, je jette un œil de temps en temps aux loulous qui, sous la pluie, attendent sagement. Le tonnerre ne les effraie pas, mais mes ânes détestent la pluie. Ils sont prostrés, patientent. On va se dire qu'ils se rafraîchissent de cette journée, et comme il ne fait pas froid, ils ne vont pas tomber malades.




Quand ça se calme un peu, on peut enfin préparer un repas rapide. Il est tard, on dévore et... bonne nuit tout le monde !



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